mercredi 28 novembre 2018

Atelier d'écriture du 27 novembre 2018


Thème : chaque participant propose une rime à utiliser dans un poème

-ri ; -ère ; -ion ; -pa ; -oin 

C’est un siècle qui nous ramène longtemps en arrière.
Deux hommes se font face, aux portes du désert.
L’un fut maladroit et l’autre en fut marri.
Un duel s’ensuit maintenant, funeste pari.
Du destin ne voient-ils pas qu’ils sont les tristes pions ?
Même le plus chanceux qui passera pour un champion ?
Un coup de taille du premier homme que le second stoppa.
Un coup d’estoc en riposte amène le trépas.
Un spectateur distant voit un corps tomber au loin.
Une histoire si banale qu’on ne s’en émeut point.

Thème : chaque minute, un participant propose un mot qui doit prendre place dans le récit.

Les mots choisis, dans l’ordre : complicité, vestige, cacahuète, éternel, santé                                                     
Romuald raconte son enfance à son psychiatre : « j’étais très ami avec Lola. Nous avions beaucoup de complicité. Mais avec le temps, une distance est apparue et de notre relation il n’est resté que des vestiges. Je ne l’ai revue que plus tard, le jour de sa mort dont je suis responsable. J’ignorais qu’elle était allergique et j’ai préparé un plat avec des cacahuètes. Le choc anaphylactique l’a emportée au père éternel. »
Les larmes coulaient sur les joues de Romuald. Le psy conclut la séance. Avec le temps il retrouvera un peu de santé mentale.

jeudi 15 novembre 2018

Atelier d'écriture du 13 novembre 2018


Mardi 13 novembre 2018

Jeu : chaque participant donne une contrainte pour l’écriture d’un texte

·         Commencer et finir par la lettre P

·         Description d’expression(s) sur un visage

·         Proverbe ou locution

·         Une insulte

« Pooorc ! Tu es un pooorc ! » lança Corinne, les yeux humides et la voix désespérée, à son fils Alexandre. Elle en a la garde parce qu’elle n’a pas eu le courage de le placer dans une institution après qu’il ait atteint l’âge adulte. Mais la vie ne tient pas compte de votre altruisme pour vous offrir un traitement de faveur. Et ces derniers temps, ça ne va pas trop. En fait, soyons francs, c’est un peu la cata. Un enterrement par ci, une réprimande du patron par là, le corps qui part en vrille… La cinquantaine, c’est pas ce qu’on lui avait promis. Et là Alexandre a porté l’assiette de soupe à ses lèvres, en a mis partout, s’est essuyé avec sa manche… et son œil bovin qui surplombe sa bouche bée, c’était la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Demain ça ira mieux. Mais ce soir, trop c’est trop !

dimanche 4 novembre 2018

Concours d'écriture - Utopiales 2018

Tous les ans à Nantes se tient sur 4-5 jours le festival de science-fiction "Les Utopiales". Cette année, comme d'autres fois par le passé, s'y déroulait un concours d'écriture encadré par l'association Présences d'Esprits. Le thème de cette année pour les Utopiales comme pour le concours d'écriture était "Le Corps".

Le concours s'adresse à des équipes de 3 personnes. 3 sujets sont tirés au sort et chaque équipe devra produire 3 nouvelles. Bref, on se répartit les sujets selon notre inspiration. 8 minutes sont initialement accordées pour la répartition des sujets, et au cours de ce temps il est interdit de commencer à rédiger. Ensuite, l'épreuve dure 1h45.

Ci-après vous trouverez la nouvelle que j'ai écrite à cette occasion, avec pour sujet : "D'abord on a remplacé un doigt". Suite à cette épreuve, 2 jours et demi étaient laissés au public et au jury de l'association pour voter en faveur de leurs nouvelles préférées. Pendant cette période, les candidats avaient interdiction de divulguer leur nouvelle. Les résultats ont déjà été annoncés mais je ne les connais pas encore. Ce qui me permettra de fournir après cette nouvelle une auto-critique vierge de toute influence.

L'engrenage



Un samedi matin, les feuilles jaunes et brunes jonchaient le trottoir qui longe les jardins du Luxembourg. Xavier battait le pavé d’un pas allègre. Les premiers frimas s’étaient fait sentir et les mains dans les poches de son manteau, il serrait les bras contre son torse pour se tenir chaud. A ses lèvres, une cigarette aux arômes chauds et lourds sur laquelle il tirait par courtes bouffées.

Il finit sa cigarette et en jeta le mégot dans le caniveau devant la boucherie de Morgane, sa sœur cadette. Elle avait récemment reçu un arrivage de charolaise que Xavier était impatient d’admirer dans la chambre froide. Ce n’est pas parce qu’il était informaticien qu’il était insensible aux choses de la nature et en particulier à la viande. Il contempla de très belles pièces dont il se régalait à l’avance de déguster quelques steaks ou tartares.

Sortant de la chambre froide, il eut un geste maladroit qui permit à la lourde porte de se refermer sur son index gauche. Une brûlante douleur saisit Xavier, lui vola un cri et un juron. Morgane paniquée prit connaissance de l’état de son frère et rouvrit la porte de bois et de métal. Nouveau gémissement de Xavier et inspiration profonde. Le constat visuel était dramatique. Chair et os s’entremêlaient, comble de l’ironie dans une boucherie, et son index était irrémédiablement broyé.

Une ambulance l’emmena à la clinique de la main où on assura que le remplacement par une prothèse était la seule option qui permettrait de retrouver cinq doigts à la main gauche. Les progrès technologiques des dernières décennies étaient fabuleux assurait-on et rapidement il oublierait même, sauf à poser les yeux sur l’appendice de substitution que ce n’était qu’un objet artificiel distinct de son corps. Il l’assimilerait aussi bien sinon mieux qu’une greffe.

Après son opération, une seule semaine lui fut offerte pour récupérer avant de retourner au bureau. Un doigt handicapé, ou plutôt « en phase de rééducation et apprentissage » comme le disait pudiquement, ça n’empêche pas de programmer des ordinateurs. 9 doigts suffisent largement pour faire beaucoup. Et l’organe principal de son travail, après tout, c’était le cerveau. « Tant que la tête fonctionne, on peut bosser » répétait Jean-Paul, son supérieur hiérarchique.

Les premiers jours de retour au travail, Xavier n’était pas très productif. Les douleurs à la main, les sensations de membre fantôme et la frustration d’obtenir si peu de temps de répit lui minaient un peu le moral. Mais au bout de deux semaines, il avait repris son rythme de croisière. Finalement, le médecin avait raison. Il ne distinguait plus la prothèse de son doigt originel. Elle était tout aussi fonctionnelle, si ce n’est pour les sensations tactiles, pas vraiment les mêmes que la peau et les muscles. Mais la précision et la vitesse étaient surprenantes.

Tandis que noël approchait, il en était sûr désormais. Son index de métal était plus efficace que n’importe quel doigt organique. Plus véloce, plus agile, plus fort, plus robuste, plus tout. Il consulta son médecin traitant lui évoquant son envie de troquer les autres doigts de sa main gauche contre des doigts plus efficaces. Le médecin l’interrogea sur ce vœu étrange. Il existe bien des syndromes psychiatriques rares qui font que des personnes ne reconnaissent pas l’un de leurs membres et souhaitent s’en débarrasser. Mais ce n’était pas ça. La volonté du patient était purement, simplement, bêtement la volonté de s’améliorer physiquement. Les prothèses n’étaient indiquées ordinairement que pour parer à des mutilations mais depuis quelques années une mode avait débuté consistant à chercher une amélioration de performance. Cette tendance faisait les choux gras du secteur privé avec des perspectives de croissance qui enthousiasmaient les actionnaires.

Xavier consulta donc une clinique privée. Ses économies lui permettaient largement de s’offrir ce cadeau peu ordinaire de fin d’année. Merci petit Papa Noël ! Les mois passant, il s’habitua et adora ses nouveaux doigts.

Sur un site de rencontre, puis à une terrasse de café du centre ville, il fit la rencontre de Sophie. Elle avait le même âge que lui, était passionnée par le scrapbooking et la décoration, et elle était employée d’une grande enseigne de fleuristes. Ils n’avaient en commun que le goût pour la musique classique et le rock’n’roll mais l’éclat dans les yeux l’un de l’autre fit opérer la magie.

Les premières semaines, ils firent l’amour tant et plus. Sophie n’aimait pas les doigts métalliques de Xavier mais elle en fit abstraction. Xavier aimait caresser sa belle, mais plus de la main droite, c’est vrai que de la main gauche.

Vint le mois de juin. Au travail, Xavier était plus efficace qu’il ne l’avait jamais été et son entretien annuel avait été très positif avec une augmentation de salaire à la clé. Mais il avait un manque. Pourquoi s’en tenir là ? Pourquoi ne pas accélérer encore ? Il voulait plus. Un peu comme un adepte de tatouage franchit le pas d’un petit à un grand ornement de sa peau, lui rêvait désormais d’un bras artificiel entier. Pourquoi artificiel, d’ailleurs ? Tout n’est que matière et un bras est un bras. Il retourna à la clinique et prit rendez-vous pour une opération.

Quand il en parla à Sophie, elle fut effrayée. Elle tenta de le dissuader mais il était trop résolu pour le faire changer d’avis. Quand arriva le jour de l’opération, elle dit à Xavier qu’elle préférait faire une pause dans leur relation. Deux ou trois semaines pour se faire à l’idée. Et un bras droit remplaça un bras droit. Il était beau, chromé, un peu lourd mais fonctionnel et l’épaule électromécanique pouvait gérer ce surpoids sans effort.

Le couple se retrouva. Les amants discutèrent, rirent, firent l’amour plus sauvagement que d’habitude. Pour les deux, c’était à la fois excitant et différent. Xavier ne ressentait plus la caresse de la peau par ses doigts. La sensation était différente. Sophie était confuse ; autant satisfaite par la retrouvaille et aimant se blottir contre le torse de Xavier, elle n’aimait guère le contact des doigts de métal et maintenant du bras chromé. A la fin de l’été, elle ne put plus s’y faire et quitta son homme.

Déçu par cette relation trop courte et frustré par ce qu’il voyait comme un manque d’ouverture de son aimée, Xavier se changea les idées en investissant tous ses efforts dans la connaissance poussée des substituts corporels. Il testa ses capacités accrues en s’essayant aussi au scrapbooking qu’il avait appris de Sophie, et à l’horlogerie, activité de précision par excellence. Les prothèses étaient onéreuses et il démarra la vente de ses créations par internet pour se faire un complément de salaire.

noël revint. Et il put s’offrir un remplacement du bras gauche. C’était bienvenu car le poids du bras droit créait une sollicitation inégale des muscles de maintient de son dos. Avec deux bras améliorés, il était meilleur, plus fort, plus agile. Il avait envie de vivre son nouveau corps au maximum et se mit à pratiquer le parkour, ce mélange de course, de gymnastique, de sauts, et d’acrobatie en milieu urbain.

Puis il se sentit limité par ses jambes. Pourquoi se contenter de jambes peu capables alors que de bonnes jambes pouvaient s’obtenir moyennant quelques milliers d’euros ? Il investit donc en lui-même et devint virtuose.

Au travail, son corps était aussi optimisé qu’il pouvait le souhaiter et seul son esprit commençait à le limiter. Des compléments alimentaires au début purent le satisfaire et améliorer sa productivité. Il obtint une promotion et une augmentation substantielle de salaire. Et puis les compléments alimentaires ne lui suffirent plus. Mais une puce corticale venait de sortir sur le marché médical qui promettait d’obtenir une augmentation de flux d’information nerveuse. Vivement noël !


Auto-Critique

Première chose qui saute aux yeux : j'ai laissé échappé de vilaines fautes. Un "9" que je n'ai pas écrit en toutes lettres. Un mot manquant dans une phrase : "comme le disait pudiquement".

Sur le contenu, je regrette de ne pas avoir mis en scène certaines idées phare que j'avais en tête dès le début de l'épreuve. Par exemple, je souhaitais créer un contraste entre le corps naturel et le corps artificiel en confrontant le personnage à un renoncement. Je souhaitais qu'apparaissent un choix entre la sensualité par la peau et l'escalade de performance par les augmentations artificielles afin qu'apparaisse un choix tranché entre l'humanité et la "déshumanisation" choisie... quoique je ne suis pas à l'aise avec cette notion de déshumanisation. Je vois cela plutôt comme une alter-humanisation.

Constat lié à la critique précédente : ma gestion du temps n'est pas très bonne, par manque d'expérience. En voyant le verre à moitié plein, on pourra dire que cette épreuve m'a permis d'en prendre conscience pour mieux faire une prochaine fois. J'ai eu le sentiment de courir derrière l'horloge tout au long de l'épreuve et de ne pas rédiger assez vite...

En rétrospective sur les 2 dernières critiques, je pense qu'à l'avenir, je devrais fixer strictement les idées fortes que je souhaite voir apparaître, quitte à en écrire les ébauches avant le début de l'histoire. Et je devrais contracter les événements décrits pour n'écrire que le strict minimum. Ce faisant, je pourrais aussi probablement dégager plus de temps pour embellir les mots ou les remplacer par les termes les plus spécifiques possibles.