samedi 27 juillet 2019

Comment aider mon ami dépressif

Avant-propos :

Ma première confrontation avec la dépression, c'est quand John (prénom modifié), un ami proche, a été atteint de cette maladie. Nous avions alors 19 ans. Et cette maladie, ce n'est pas ce que j'imaginais. Avec le temps, j'en ai été témoin chez plusieurs amis ou connaissances. Et j'ai été malade moi-même.  J'ai accompagné certaines de ces personnes dans des instants ou des périodes difficiles. J'en ai aussi discuté avec quelques anciens malades. Le présent article n'est que mon opinion sur la manière d'agir quand un proche souffre de dépression. Si des professionnels peuvent vous conseiller, préférez leurs conseils !

La dépression prend plusieurs formes. Elle peut se manifester par plusieurs symptômes. Tous les malades n'auront pas la même liste de symptômes, ils ne vivront pas ces symptômes avec une même intensité, et ces symptômes seront peut-être vécus différemment selon le mode de vie et l'entourage du malade. Par ce feuillet, j'espère vous proposer une manière d'agir pour préserver votre ami, vous-même, et peut-être aussi votre relation.

Se préserver soi-même :

Votre ami est malade. Son comportement a changé. Vous constatez son abattement fréquent, ou son incapacité à gérer sa vie quotidienne. Vous souhaitez l'aider et vous comptez y mettre tout votre cœur parce que cet ami compte pour vous.

J'avais cette même idée quand John a sombré. Et cette idée était mauvaise. Parce que la dépression, ça prend du temps à se soigner. Plus de temps que vos efforts intenses et votre relation ne résisteront à l'usure, comme mon amitié avec John n'a pas résisté. Après un an, peut-être un an et demi, je constatais mon impuissance à l'aider, par incompréhension, et par trop d'investissement, et la distance entre nous s'est creusée jusqu'à l'abandon. Je pensais pourtant avoir fait mon possible pour créer des moments de confort, d'humour et de joie.

Accompagner une personne dépressive, ça nécessite de se ménager. Parce que l'énergie que vous y investissez est un don que vous ne récupérerez pas de si tôt. Alors n'investissez votre énergie qu'à la hauteur de ce que vous avez en trop. Et n'attendez rien en retour! C'est un don, pas en pure perte mais presque. C'est de l'amour qu'on donne et en échange duquel il ne faut rien attendre que notre propre satisfaction de l'avoir donné. Alors investissez seulement les efforts que vous serez capable de maintenir sur le long terme. Sur 3 ans, par exemple. Parce que c'est probablement à une telle durée qu'il faut vous attendre.

Votre ami tirera un plus grand bénéfice de votre soutien faible et durable que de votre soutien intense et éphémère. Alors ménagez-vous et faites-vous passer en premier. Si vous voulez aider votre ami, vous devez aller bien vous-même et avoir toujours l'envie d'interagir à dose faible mais récurrente. Ça peut n'être qu'une fois par mois. Ne vous mettez pas la pression ! ...Sauf en cas d'épisode suicidaire, mais une telle situation est si grave que je préfère ne pas donner de conseil plutôt que de risquer de vous en donner un mauvais.

La dépression, c'est quoi ?

Contrairement à l'idée qu'on s'en fait, la dépression c'est différent de la tristesse. La tristesse, c'est un état transitoire qui se superpose à votre personnalité et après quelques minutes, heures ou jours, vous revenez à votre état normal. La dépression, c'est un peu pareil, sauf que c'est un état stable. C'est le nouvel état "normal", habituel, de votre ami, et c'est un état qui est décalé par rapport à son état avant la dépression.

Aussi, la dépression c'est une maladie de la volonté. Quand on est dépressif on manque de volonté. Et l'un des problèmes importants, c'est que prendre rendez-vous chez son médecin pour soigner sa dépression, ça demande de la volonté. Ce que n'a plus le malade. Ce qui peut donc rendre impossible la prise de rendez-vous. Il est possible de se savoir malade de dépression et de manquer de volonté pour prendre rendez-vous chez le médecin pendant plusieurs années.

Avec John, je pensais qu'il avait besoin d'un coup de pied aux fesses pour avancer, et surtout il avait besoin de se mettre lui-même ce coup de pied aux fesses. Mais l'incapacité de se mettre un coup de pied aux fesses, c'était précisément un symptôme de la maladie.

Pour une personne qui n'a jamais vécu la dépression ou ne l'a jamais côtoyée, il est difficile de se rendre compte à quel point la volonté manque pour mener à bien les actions les plus simples et les plus rapides du quotidien. Ainsi, un dépressif peut perdre la volonté nécessaire pour gérer au jour le jour sa vaisselle, son ménage, son alimentation et même son hygiène personnelle. Et pourtant, il se peut que d'autres tâches plus difficiles, plus longues ou plus exigeantes physiquement et mentalement restent à la portée du malade... si ces tâches relèvent d'un souhait personnel ne revêtant pas l'aspect d'un devoir. Les tâches que l'on se doit de faire ont un caractère singulier et le cerveau dépressif sur-réagit à cette contrainte. Pour le malade qui contemple le devoir à accomplir, c'est comme si son cerveau mettait en oeuvre des stratégies de diversion très efficaces pour éviter le devoir. Ainsi, il est possible qu'une tâche ô combien détestée telle que passer la serpillière vous attire subitement sur les coups de 4 heures du matin tandis que vous brûlez la chandelle par les deux bouts pour tenir l'échéance professionnelle qui expire le lendemain.

Un dépressif a du mal à agir, mais il ressent toujours (sauf cas très spécial) des émotions et des sentiments. Il aimerait voir du monde, mais il manque souvent d'énergie pour le faire. Si vous lui proposez de se joindre à vous, il sera reconnaissant même s'il ne vient pas. Et de temps en temps il acceptera l'invitation. Il ne sera peut-être pas l'amuseur des foules mais le seul fait d'agir est bon pour son cerveau. Les autres activités comme le sport et les activités manuelles sont aussi bénéfiques. Et toutes les interactions positives. N'hésitez donc pas à saluer ses efforts (je l'ai déjà dit) et à témoigner votre gratitude ou à reconnaître sa bonté quand il agit à votre faveur.

Et comment on agit pour l'aider ?


En tant qu'ami d'un dépressif, je vous conseille de vous renseigner sur les tâches que votre ami a besoin d'accomplir. Et si ça le dépannerait "d'emprunter votre volonté" pour faire ces choses. Il sera peut-être utile que vous preniez rendez-vous pour lui s'il en est incapable. Quand on souffre de dépression, on vit cette incapacité à réaliser les choses les plus simples de la vie comme une forme d'indigence et on se sent honteux de demander de l'aide. Et on ne veut pas déranger la vie des gens avec nos soucis, alors que nos soucis peuvent être bien plus graves que le dérangement qu'on cause en demandant de l'aide.

Un dépressif a tendance à avoir moins d'activités et moins de stimulation qu'en période de bonne santé. Il se montre moins capable d'organiser des activités ou de se lancer spontanément dans l'accomplissement d'activités. Faites lui donc des propositions ou des suggestions. Mais encore une fois : ménagez-vous ! Car si vous vous improvisez coach au quotidien, votre motivation va s'épuiser en un rien de temps.

Un dépressif a besoin d'encouragement et de feedback positif. Alors il n'est pas question non plus de lui mentir pour lui dire de bonnes choses. Mais souligner votre fierté de ses efforts aidera à remonter son estime de lui-même. Et votre encouragement l'engagera dans une dynamique où le monde réagit positivement à ses efforts. Un esprit cynique pourrait décrire cela comme donner un sucre à un chien pour renforcer ses comportements positifs. Hé bien peut-être. Je ne suis pas là pour juger, mais juste pour témoigner de ce qui me semble utile pour aider un ami à se reconstruire.

Le chemin vers la rémission est facilité par plusieurs facteurs. D'abord, par le suivi médical auprès d'un psychiatre. Ce suivi inclut des consultations régulières et éventuellement un traitement médicamenteux qu'il faut respecter scrupuleusement et éviter de perturber par la consommation de drogues diverses. C'est bête à dire, mais selon mon observation une importante proportion des dépressifs que j'ai connus consommaient du cannabis en parallèle de leur traitement.

Pour trouver un psychiatre le plus tôt possible, il sera utile que vous aidiez votre ami à contacter un professionnel et prendre le premier rendez-vous. Le médecin généraliste vous orientera dans un premier temps vers un centre médico-psychologique (CMP) auquel adresser le dossier médical (la lettre de recommandation du généraliste) de votre ami. Sur cette base, le CMP prendra 1 mois pour vous répondre qu'ils ont trop peu de ressources et ne peuvent s'occuper que de gens qui cumulent simultanément addictions, casier judiciaire, schizophrénie, et dépression. Et vous aurez perdu 1 mois. Alors le plus tôt possible, consultez le site de l'AFTCC (j'y reviens dans un instant) pour dénicher un praticien libéral proche qui ne prendra peut-être votre ami comme nouveau patient que dans 2 ou 3 mois... Quand on prend ce premier rendez-vous, l'attente semble longue mais il n'y a pas d'alternative.

Choix d'un psychiatre et AFTCC

La psychiatrie est une discipline médicale qui est beaucoup critiquée. A raison et/ou à tort, ça mériterait un article à part entière.

Dans ma recherche d'un praticien, il a importé pour moi de trouver un médecin qui applique une démarche basée sur la science et non sur des fadaises rejetées voire condamnées depuis longtemps par la communauté scientifique, comme c'est le cas de la psychanalyse. Les thérapies basées sur la science et qui démontrent la meilleure efficacité sont appelées TCC ou Thérapies Cognitivo-Comportementales. Une association nationale regroupe les praticiens de cette démarche : l'AFTCC ou Association Française des TCC. Leur site web propose une carte sur laquelle vous pourrez localiser les praticiens de votre zone géographique et trouver leurs informations de contact : https://www.aftcc.org/carte_membres


Conclusion

J'espère vous avoir offert une vision réaliste du sujet. Votre amitié ne résistera peut-être pas mais en vous ménageant et en abaissant la barre de vos attentes, vous vous donnerez les meilleures chances. Faites des démarches positives envers votre ami mais seulement à la mesure de l'énergie que vous avez en surplus. Félicitez-le, encouragez-le, invitez-le ! Et riez ! Le rire est bon pour tout le monde.

mercredi 24 juillet 2019

L'enfant sur le mail

C'est une langue de terre étirée à l'infini. Elle commence sous nos pieds et s'étend jusqu'à l'horizon, bordée à gauche et à droite par une mer d'huile. La surface de la mer est d'un bleu moyen assez peu remarquable et le regard ne perce pas sa surface.

Le ciel est bleu clair. Aucun nuage gris n'assombrit cette voûte et aucun nuage blanc ne vient la décorer non plus, lui offrir une moustache. Et le soleil, s'il est probablement la source du plein jour a le bon goût de se faire discret.

C'est une langue de terre uniformément large de 50 mètres environ. Quand on porte les yeux à l'horizon, on se rend bien compte du contraste : la moitié gauche est un plat rivage au niveau de la mer et constitue un chemin uniforme infini. La moitié droite forme une dune dont la crête aplatie s'évanouit aussi là où le regard ne porte pas.

Au sommet de ce mail naturel se dresse l'enfant. Il a 12 ans. Une légère brise agite sa frange châtain trop longue, qu'il écarte d'une main au geste imprécis. Dix mètres plus bas, un cortège innombrable s'avance sur la grève, de l'horizon à l'horizon. L'enfant y reconnait quelques rares visages des élèves de son école mais la foule lui est majoritairement inconnue.

Ces autres, en contrebas, marchent et discutent. L'un quitte parfois ses voisins et part s'entourer de nouveaux compagnons de voyage.

Le regard de l'enfant glisse d'un corps à un autre. Immobile et silencieux, il contemple la multitude. Ses yeux balaient le panorama et se fixent sur l'horizon. Observant toujours la grève peuplée, il reprend son chemin, sur le mail.

dimanche 12 mai 2019

Ecriture : Camille

A l'occasion d'un échange avec une jeune femme (la Camille du titre de cet article), elle m'a demandé d'écrire une histoire où il serait question de "pourquoi les femmes sont chiantes". Cette fable propose une explication.


Camille

Il était une fois un petit royaume perdu au cœur d'un vaste territoire de forêts, de vallées, de défilés, et de façades rocheuses où les strates ocres disputaient l'attention des citoyens aux schistes et aux jaspes jaunes et brillants. Dans ce royaume, les citoyens lassés des abus d'une monarchie durable avaient décidé qu'il serait bien plus plaisant si le pouvoir changeait de main chaque semaine au gré d'une grande loterie. Ainsi chacun aurait une chance de porter les costumes les plus finement élaborés et de déguster les plats les plus savoureux que composaient huit chefs de renom.

Ce régime politique était presque purement représentatif et symbolique. Une inauguration ou l'ouverture d'une exposition artistique pouvait toujours être l'occasion pour le souverain ou la souveraine du moment de couper un ruban après avoir prononcé un discours du genre qui flatte tout le monde. Ces discours étaient évidemment rédigés par des experts en communication car il ne manquerait plus qu'on laisse n'importe qui, même adorné d'une cape à l'hermine chaude et fluide, s'exprimer librement sur toute question de société.

Cependant, il se mit en place une tradition dont on n'avait pas envisagé les lourdes conséquences. Qui dit famille royale dit princesse si le couple souverain avait une ou même plusieurs filles. Et le pouvoir royal hebdomadaire était l'opportunité idéale pour sélectionner un héros qui mériterait de courtiser voire épouser la princesse. Pour faire du tri, on mit en place initialement des expéditions pour occire quelque dragon ou autre bestiole de grande taille ou à l'aspect particulièrement vilain. Mais voilà, les chevaliers... enfin, peut-on parler de chevaliers quand ceux-ci se déplaçaient à dos de mule ?... les chevaliers donc, avaient une fâcheuse tendance à mourir au combat et ne jamais revenir.

Une idée créative fut alors instaurée qui permettrait d'enrayer la perte de toutes ces vies qui commençaient à peser sur les familles des malheureux, sur les princesses qui ne trouvaient pas de preux chevalier (tout du moins, pas pendant leur semaine de prestige), et sur le royaume qui perdait une précieuse main d'oeuvre. On décida de procéder autrement pour choisir les plus valeureux parmi les prétendants en demandant aux princesses de verbaliser la totalité de leur flot de pensées sans rien filtrer, sans rien épargner de leurs commentaires ou de leurs avis aux prétendants rassemblés dans la cour du château. Des esprits taquins suggèrent qu'une telle épreuve pour les chevaliers est sans doute plus rude que de se faire tailler en pièces lentement par des griffes pas acérées du tout. Chaque chevalier dont l'esprit flanchait quittait la cour, la tête basse pour montrer son renoncement à épouser une princesse. Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un.

C'est ainsi que le royaume fut sauvé, mais c'est aussi ainsi que les femmes du royaumes sont devenues chiantes.

Shutter Island (2010) ★★★★★




L'histoire

En 1954, les Marshalls des États-Unis Teddy Daniels et Chuck Aule débarquent sur Shutter Island, une île au large de Boston, pour enquêter sur la disparition de Rachel Solando, une patiente d'un hôpital psychiatrique de « haute sécurité » sur l'île. À leur arrivée, le docteur Cawley leur explique que cette patiente a tué ses trois enfants en les noyant.


Mon avis

Sur le scénario d'abord, pas grand chose à redire. L'histoire est cohérente et même si certains ressorts scénaristiques ne sont pas nouveaux, ils sont bien servis par le reste de la production. Et les quelques revirement de situation font la qualité particulière de cette histoire. Visuellement, les effets de lumière se font parfois très artistiques, notamment dans le bloc C où des puits de lumière sont magnifiés par des écoulements de gouttes d'eau. La musique est assez rare dans le film, mais adaptée pour soutenir l'ambiance des scènes qu'elle accompagne. Le son est plus question de bruitages et d'échos dans des salles qui résonnent ou des extérieurs dans lesquels la nature nous rappelle qu'elle est en vie. L'interprétation, enfin, est excellente. Particulièrement à mon sens, l'interprétation de Mark Rufallo en tant que second rôle. Au final on a une histoire solide, qui prend aux tripes et qui nous tient en haleine. Vivement recommandé !

mercredi 20 mars 2019

Atelier d'écriture du 19 mars 2019


Texte libre : Invitation au voyage


Pense à ta main droite. Joins ton pouce et ton index ! Non ! Non ! 

Pas comme ça… Attends, prends ton temps. Sépare-les. Voilà, c'est parfait. Maintenant, tu vas les faire se toucher tout doucement, s’effleurer, se caresser en un mouvement circulaire léger. Là, comme ça. La sensation est soyeuse. Sépare-les à présent et fais courir ton pouce de la même manière le long de ton petit doigt ! La sensation est différente. Comme un peu électrique. Un peu chatouilleuse. La ressens-tu ainsi? Bien !

Déplaçons-nous un peu plus loin. Ouvre ta main gauche en tendant les doigts ! Entre la paume et la base des doigts existent 4 légères protubérances, un peu comme les coussinets sous une patte de chat. Fais glisser l’index de ta main droite sur ces espèces de coussinets en un lent va et vient de la gauche vers la droite. À nouveau, cette sensation électrique qui te parcourt! Déplace désormais ton index dans un mouvement fluide en spirale... depuis le tour de la paume jusqu’en son centre. Puis parcours cette spirale en sens inverse !

Ces impressions, tu ne les découvres pas pour la première fois ; elles conservent une certaine rareté, à la fois familières et étranges. Ces sensations, qui appartiennent à ta paume, elles sont là, accessibles tout le temps. Mais elles échappent à notre vigilance, à notre attention et à nos intentions presque tout le temps. Et nous n’avons exploré que la face intérieure de la main, qui plus est de manière remarquablement partielle. Nous n’avons pas encore accordé de temps et de conscience à l’espace situé entre les doigts ou à cette sensation de fraîcheur agréable qu’il y a à stimuler la peau en retrait des ongles, à la frontière avec la cuticule.

Notre corps possède plus de zones sensibles que celles dont nous parvenons à avoir conscience à un instant donné. Nous resterons toujours en quelque sorte étranger à nous-mêmes, notre conscience flottant au-delà des horizons perceptifs.

Le corps est un pays qui peut se visiter gratuitement, lentement, délicatement ; un territoire subtil dont les paysages nous réservent bien des surprises, bien que ces dernières ne seront jamais complètement nouvelles. Le corps et ses sensations sont tels les dunes du Sahara : toujours en mouvement mais nécessitant une vigilance de l’esprit et des sens pour en percevoir toutes les modulations, chacune des transitions. Depuis le doux frottement de tes orteils jusqu’à la caresse chatouilleuse de tes sourcils, le voyage est à portée de main. À présent, Je t'invite au voyage. 


Jeu : partir du titre d’un livre pour créer un texte

·         Titre : « les tracas de Paris »

Alex voulait se rendre depuis son appartement du 13ème arrondissement à son travail dans le 10ème. On avait beau être en juillet, 32°C à 8h30 le matin c’est la promesse de ne plus supporter sa propre odeur avant 10h. Les rues étaient noires de monde. Les voitures faisaient du touche-touche. Les vélos, trottinettes et gyropodes serpentaient de la route au trottoir et réciproquement. Il interpela une femme qui allait dans la même direction que lui de Tolbiac à François Mitterrand, et lui demanda si elle savait ce qui se passait. En effet, une attaque terroriste avait dans la nuit détruit la totalité des transports en commun de la capitale. Métros et bus n’étaient plus que des tas de ferraille destinés à la casse. Déjà l’Elysée multipliait les déclarations sur ses démarches pour rétablir l’ordre. Les pays étrangers avaient promis leur assistance sous la forme de bus de remplacement.
Les parisiens décidaient de marcher jusqu’au travail ou de rester chez eux exceptionnellement. Le groupe terroriste à l’origine de l’acte perturbant revendiquait l’abomination que constituent les transports en commun. Par ce seul acte, ils avaient commis des centaines de millions d’euros de dégâts. Ce n’était rien à côté des conséquences totales dont on comprit l’ampleur le jour suivant tandis que le collectif révélait son envergure internationale et immobilisait les bus, tramways, métro que mais aussi les trains de l’Europe entière.

Jeu : cadavre exquis

1)      Fichtre ! Tandis que le casse-tête dénudé vomit une encyclopédie au fond de l’océan atlantique.
2)      Jadis les filles fallacieuses éternuaient les jolies choses dans la douche du navire.
3)      Ha ! Ce siècle la bête rayonnante se flagelle des oiseaux sous le canapé.
4)      Diantre ! Bien des années avant le lézard perpétuel vomit le chien sur l’oreiller.
5)      Oups ! Quand le soleil disparut dans un rayon vert, les sorcières du village outrecuidantes sautillaient un costume de Pikachu au fin fond de la Creuse.
6)      Ola ! Aujourd’hui Marcel le moustique espiègle velu distribue les tartines salées dans la forêt.
7)      Morbleu ! Le troisième jeudi de chaque trimestre un lièvre globuleux dorera ses pompes à la campagne.

lundi 18 mars 2019

Atelier d'écriture du 4 mars 2019

Jeu : chaque participant donne une contrainte pour l’écriture d’un texte

·         Intégrer au moins un alexandrin

·         Un pays étranger

·         Mojito

·         Un paysage urbain

·         Un zèbre


C’était un samedi ; je quittai le bureau.
Peu après le midi ; dix-sept heures au plus tôt.
La cadence féroce, qui m’était imposée
Non par mon con de boss, quoi qu’il en fut satisfait,
Mais par perfectionnisme, c’était les temps modernes.
En bas du gratte-ciel, un vigile thaïlandais
Se mit au garde-à-vous, et sourit largement.
Au Seven-Eleven, supérette à deux sous,
J’acquis deux hamburgers, compagnons impassibles
De ma marche forcée, depuis Lumphini Park
Via Ratchadamri, jusqu’au temple des pirates.
Dans la galerie marchande, emplie d’informatique,
De logiciels pirates, et de films contrefaits,
De techniciens, badauds, restaurateurs, touristes,
Et aussi quelques moines, dans leur toge orangée,
On trouve des bibelots, boules à zèbres enneigées,
Et quelques porte-clefs, on trouve l’émerveillement.
Je m’assis à une table et commandai enfin
Une décontraction liquide : un mojito bien frais
Pour combattre la chaleur et célébrer la vie.

Atelier d'écriture du 18 février 2019

Thème : écriture inspirée d’une image : jaquette de l’album Imaginareum par Nightwish (trouvable facilement avec Google)

C’était le mardi 21 janvier et l’horloge venait de sonner la pause de 23h30, au milieu du parc. Georges sortit de la maison de la terreur par la porte de derrière et sortit une cigarette électronique de sa poche. Il aurait préféré une vraie cigarette, une blonde. Mais depuis l’accident qui avait emporté son père, il s’était juré de ne plus approcher une flamme, fut-ce celle d’un briquet, ou le bout enflammé d’une cigarette. C’est ainsi quand on est un vampire : on est incroyablement sensible à la chaleur. Son collègue Raymond sortit à son tour de la maison de l’horreur. Raymond était nouveau dans « le seul parc d’attractions avec de vrais monstres » mais selon Georges, l’alcoolisme de Raymond ne lui permettrait pas de faire long feu à son poste.
On a beau être un monstre mortellement dangereux, on a aussi nos propres monstres bien réels qui risquent de nous emporter sauvagement.

Thème : écriture inspirée d’une image : « journée d’automne » par Juno Kirisawa (image non trouvable en ligne dont j'essaierai de trouver une copie ultérieurement)

Sous mes pattes, la tôle d’un toit. Sur la tôle : des mousses, des lichens. Tiens ! Un scarabée ! Il ne m’a pas vu. Je me fais le plus bas possible, et m’approche furtivement d’un pas lent et mesuré. Mes deux pattes avant sont jointes et me serviront de ressort pour me propulser dans les airs. Je me fige pour calculer ce saut, eeeeet… me voilà comme suspendu à cinquante centimètres de hauteur. Je suis presque libre de la gravité, mais je joue avec elle pour fondre sur ma proie. De ma patte avant gauche, je le cloue au sol. Mes dents pointues font de lui un mets délicat, une friandise. Je sens la chaleur du soleil sur mon dos et celle de la tôle sous mes coussinets. C’est le lieu parfait pour m’allonger et profiter d’une pause délectable.

mercredi 23 janvier 2019

Atelier d'écriture du 22 janvier 2019

Exercice : dictionnaire.

Chaque participant propose un mot de son invention. Tous les participants rédigent une définition "à la manière du dictionnaire" pour ces mots inventés.


zéranie : n.f. étymol. de zéro et année. Désigne un temps court (zéro années) par opposition à une durée pluriannuelle. "Le traitement des champs contre la chenille processionnaire est l'affaire d'une zéranie seulement."

béflouer : v. tr. du 1er groupe. Du privatif allemand "be" et du teflon. Retirer le teflon. "Oh là là ! Mais pas avec le côté vert de l'éponge ! Tu vas béflouer ma poêle toute neuve !"

corance : n.f. intervention spontanée qui éclate au molieu du silence et interrompt la concentration des membres d'une assemblée. "Le téléphone scanda subitement une chanson gênante qui fit corance pendant l'office religieux."

irgondile : adj. grinçant, strident et très désagréable. "La craie sur le tableau est parfois irgondile, mais la griffe de jardin est pire."



Jeu : chaque participant propose un mot devant apparaître dans le texte

vestige, scruter, carence, coquelicot, promiscuité, ascenseur, hormone


Sur le chantier, deux archéologues débattaient. Après que les tractopelles aient déblayé les premiers mètres de terre tassée par les siècles, peut-être par les millénaires, les pioches avaient pris le relais et esquissé les contours supérieurs de vestiges qu'on relierait ultérieurement à quelque civilisation.

John fut pris de frissons, sentit la sueur traverser son front pour lui donner cette sensation froide et humide familière à tous ceux qui ont été malades un jour. Était-ce le signe de carences alimentaires parce qu'il ne s’accommodait pas des plats locaux trop épicés ? Était-ce un bacille dégueulasse gracieusement offert par un collègue dans la promiscuité des tentes où l'humidité sentait la sueur et les chaussures de sportifs ? Était-ce l'effet troublant de son cerveau libérant une hormone ou deux ou dix à la vue de l'arcade de pierre gravée d'un coquelicot ciselé si finement qu'on n'aurait pu le confondre avec aucune autre fleur ? Il décida que l'ascenseur émotionnel était la cause la plus probable de son trouble. La plus facile à combattre également. 

Avant que ses jambes chancelantes lui fassent faux bond, il s'assit en tailleur. Son regard immobile scrutait la fleur évidée dans la roche et ses pensées de jeune chercheur contemplaient les siècles et les vies innombrables qui avaient dû se dérouler ordinairement en ce lieu jusqu'à en oublier la beauté.

mardi 8 janvier 2019

Atelier d'écriture du 8 janvier 2019


Thème : arrêtez de me regarder !

V : Bon ! Tu vas continuer ça longtemps ?
E : Hein ? Quoi ? Comment ?
V : Ne fais pas l’innocent ! Tu sais très bien de quoi je parle.
E : Pas du tout. De quoi parles-tu ?
V : Tu sais très bien de quoi je parle, Erik ! Arrête de me regarder ! C’est un des thèmes de ton atelier de l’écrit.
E : QUOI ? Tu m’appelles Erik et tu parles de l’atelier de l’écrit ? Mais tu viens de briser le quatrième mur !
V : Pas exactement. Pour briser le quatrième mur, il faudrait que je m’adresse au public tandis que là je m’adresse à l’auteur. C’est très différent. D’ailleurs, chers participants de l’atelier, reprenez donc un petit quelque chose à manger ou à boire ! Voilà ! C’est ça, briser le quatrième mur.
E : Bon ben maintenant que tu as illustré ce concept brillamment, tu veux bien revenir au sujet ? C’est pas qu’on se fait chier mais l’histoire n’avance pas.
V : Bon, je suis la vie.
E : ah ! Enfin, on progresse ! Depuis le début, on se demandait qui étaient les personnages de ce dialogue. Maintenant, c’est clair. Erik et la Vie discutent. On progresse !
V : Ah bravo ! Les pieds dans le plat ! Donc toi tu veux mettre l’intrigue et le thème complètement à plat de manière explicite ? Ca manque de finesse.
E : Oui, ben c’est vrai que ça manque de finesse, j’avoue, mais je ne savais pas vraiment comment le présenter. J’avais très envie d’écrire quelque chose mais je ne savais pas comment. Et quand c’est ainsi, je bidouille un texte qui tient avec des bouts de scotch et de la ficelle.
V : Arrête de me regarder !
E : Ah oui, pardon ! Revenons-en au thème ! Donc oui, je regarde la vie mais je n’y participe pas. Je ne sais pas dire comment ou pourquoi. Trop de cerveau, trop de respect pour imposer ma présence, mes points de vue, mes envies à des gens qui n’ont rien demandé. Vivre ma vie aux dépens de celle des autres. Ou plus exactement, me frayer un espace où exister dans cette boite de sardines qu’est la vie. Si je ne joue jamais des coudes pour trouver ma place, je mourrai. Et non, ça n’est pas une figure de rhétorique. Si on ne trouve pas sa place, on finit par se mettre une balle dans le caisson dans l’indifférence générale.
V : Dis-donc, Calimero, évite d’étaler tes idées noires ! Tu sais bien que te plaindre attire plus de négativité que de soutien.
E : Ah oui, merde ! Donc la vie, c’est comme une boite de sardines. Moralement, je trouve répréhensible de jouer des coudes parce que ça veut dire que les sardines que je rencontre vont se prendre un peu mes coudes. Mais si je veux arrêter de regarder la vie, c’est une des étapes.
V : c’est un bon début. Et quoi d’autre ?
E : Ben, il y a truc qui me semble presque impossible à faire. C’est trouver ce qui me passionne.
V : pourquoi ? Est-ce que tu n’as pas de passion ?
E : Ben, non. C’est un peu le problème. J’aime bien certaines choses mais avec modération. Et je reconstruis ma vie pierre après pierre. D’un champ de ruines ça ressemble maintenant à une maison en construction. C’est très encourageant. Mais je ne sais pas comment me découvrir une passion.
V : pour savoir ce qui te passionne, il faudrait probablement que tu essayes des choses.
E : Je savais que tu allais dire ça ! En même temps, c’est moi l’auteur de ce texte donc forcément, je le savais. Mais ça m’ennuie quand même. Parce que je suis un peu autiste sur les bords et essayer de nouvelles choses, c’est compliqué. Il m’est tellement plus simple de rester cloitré chez moi. Là ça suppose d’identifier et lister 100 activités potentielles puis de me renseigner sur les lieux, les horaires, les contacts, les prix. Et puis de me mettre des coups de pieds aux fesses pour aller faire ces choses là.
V : Si c’est ainsi que tu fonctionnes, alors c’est ainsi que tu peux procéder.
E : Oui, j’imagine que n’importe qui d’autre dirait que les choses se produisent plus naturellement, de manière plus « fluide » ? Mais ce n’est pas aussi naturel pour moi.
V : Tiens ! Calimero est de retour ?
E : Désolé ! Bon, je pense qu’on a couvert le thème. Je vais rendre la parole et me refaire une tartine. C’est ça aussi que d’arrêter de regarder la vie pendant que les autres n’attendent pas pour s’en payer une tranche.

Texte libre

 Un regard jeté nonchalamment par la fenêtre révèle les strates cotonneuses amoncelées. Au plus près de l'horizon, les strates se succèdent, minces, écrasées par la distance. En relevant le regard, les couches de nuages s'élargissent et révèlent des aspérités lumineuses semblables à un réseau veineux. Une brise pousse cette bourre légère qui s'effiloche, se déchire, puis qui se rassemble.
A travers les branches biscornues et tortueuses apparaissent les toits métalliques, quelconques et inintéressants de bâtiments industriels. Inintéressants? Vraiment? Mais pourquoi? Parce que quelqu'un a décidé que flatter ses émotions comme ceci plutôt que comme cela était l'essence même de la vie? Parce que cette décision est collective et partagée par une majorité imperméable aux choses? C'est vrai que les humains sont des objets intéressants. Mais de là à leur consacrer l'exclusivité... bonjour le narcissisme!
Sous les carrés de verre derrière lesquels se pressent des silhouettes, des feuilles orange jonchent la dalle de béton.
La tête pivote. Ramène le regard à l'intérieur de la pièce que son corps occupe. Conscience de son corps. Conscience des caractères affichés sur un écran et des autres corps dans la pièce.

Jeu : rimes en –al, –che, –re, –lette, et –oin 


D’une cocotte en fonte, tapissez le fond avec du foin Assurez-vous que ce matelas ne sera aucunement bancal
Et allongez dessus la plus majestueuse côtelette.
Versez généreusement dessus deux verres de rouge qui tache.
Pas le premier pris non plus mais pas un vin onéreux.
Ajoutez carottes, navets, et chou et de foin étalez une nouvelle mèche.
Refermez d’un lourd couvercle avec soin.
Pendant la longue cuisson au four, faites les pipelettes
Et buvez le reste du vin qui rend heureux
Jusqu’à cuisson complète ; ce sera un régal.


Jeu : mot aimé

Un mot que j’aime et dont jamais je ne me lasse, c’est l’adjectif « fugace ». Etymologiquement à rapprocher de la fuite –on pensera à l’expression « tempus fugit » – il est auditivement et sémantiquement plus proche encore de la fugue. Tout comme cette note musicale qui rebondit de tintement en tintement, qui se dérobe aussitôt qu’elle est apparue, la chose fugace est légère, diaphane, et surtout insaisissable, car sa taille, sa vitesse ou sa complexité la dérobent à notre corps et à nos sens.