Texte libre sur le thème de
l’identité
Bonjour cher
lecteur. Tu viens probablement de te réveiller et Niccolo vient probablement de
déposer ton petit déjeuner sur le bureau où je laisse aussi, à dessein, ce
journal ouvert pour que tes yeux se posent dessus. La chambre où tu te
réveilles a été soigneusement vidée du superflu pour ne pas te distraire et la
vue sur la mer, sur le ressac incessant en cette partie de la côte devrait te
plaire et t’apaiser. Aussi loin que je me souvienne, tu as toujours aimé cette région
de la Terre. Je me rappelle d’ailleurs que l’ombre et l’odeur des pins parasols
te manquaient, tout comme te manquait la caresse à la fois lisse, rugueuse et
craquelée des troncs d’oliviers, durant les années que tu as vécues autour de
Saturne. Mais voilà que j’en dis trop.
Je porte des
secrets. Certains que je vais te révéler. Et certains qui disparaîtront, pour
le bien-être de tous. C’est pour cela que je t’écris, à toi que je connais
mieux que toi-même. J’ai commis bien des actes qui me font horreur. Qui font d’ailleurs
horreur à beaucoup. Si je te les révélais… ah, si je te les révélais, je ferais
le contraire de ce qui nous réunit aujourd’hui, toi en chair et en os, moi en
encre et en papier, souvenir déjà disparu ou seulement estompé.
J’ai pris des
dispositions pour ton avenir. Tu t’appelleras Giaccomo Calabri et j’ai fait en
sorte que tu reçoives une formation professionnelle et un emploi rapidement. Tu
disposes par ailleurs d’économies qui t’aideront à vivre même si elles ne t’assureront
pas une subsistance pour une vie entière. J’aurais pu te doter plus généreusement
mais il n’aurait pas été juste de piocher plus que de raison dans des Trésors,
aussi fournis soient-ils, qui ne sont pas à mon nom. Maitre Rossi te fournira les
papiers et les conseils utiles. Mais il ne pourra pas te communiquer mon nom. J’ai
pris précaution de ne le contacter que via un tiers lui-même contacté par un
tiers.
Ce secret que je
vais te révéler tu ne dois le révéler à personne. A vrai dire ce secret, tu n’auras
toi-même à le porter que brièvement et tu l’oublieras vite. Il ne t’encombrera
donc pas durablement. J’ai foi en toi et j’espère que tu as toujours foi en
moi. Plus que moi-même. Mes actes passés sont trop lourds pour être pardonnés
par les hommes. Et je suis un homme. Je me condamne donc moi-même et la sentence
est sans appel : la peine de mort. Enfin, non. Pas totalement sans appel
puisque c’est l’entreprise qui nous réunit. La mort véritable, celle du corps,
est une notion abjecte dès lors qu’on parle de se la donner intentionnellement.
Alors outre la nécessaire altération de mon visage, je choisis la mort de l’esprit.
La mort de mon esprit. Et, je suis navré de devoir te condamner aussi, toi dont
l’existence est éphémère comme celle d’un papillon. A peine sorti de ta
chrysalide et oublieux de ta vie antérieure, tu ne vivras qu’une journée.
La médecine
permet aujourd’hui ce miracle d’effacer progressivement les souvenirs. Ce soir…
le soir du jour où je t’écris ces mots, les neurochirurgiens effaceront la
mémoire de mon vécu. Ce soir… le soir du jour où tu me lis pour la première
fois, ils effaceront les traits de caractère forgés par ton vécu : tes
excès de dialogue intérieur forgés par une enfance solitaire, ton hésitation
constante entre misanthropie et philanthropie forgées par des déceptions et des
moments de grâce inattendus. Ton impulsivité aussi à te lancer dans certaines
décisions lorsque tu constates ta paralysie à résoudre un dilemme, pour éviter
de prolonger ton indécision. Ce soir, le soir d’un jour suivant, une autre
partie de toi et de moi disparaîtra afin de laver notre être et de donner vie à
un homme nouveau, innocent. Le processus complet dure 7 jours. Une semaine
pendant laquelle tu ne manqueras de rien. Embrasse ce processus avec joie !
Pardonne-moi ! Pardonne-toi !
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